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Africa

From a time of crisis to a new era of inclusive partnership: SI Africa Committee meets in Dakar

19-20 June 2009


Rappel historique :
  
Si quelques cas très résiduels d’ouverture démocratique ont été enregistrés avant, il faut dire que le processus démocratique en Afrique a été véritablement lancé à la fin des années 80, lors du fameux sommet de la Baule. C’est de là que l’urgence de considérer la démocratie comme modèle de gouvernance a été imposée aux pays africains, avec le cycle des conférences nationales souveraines organisées un peu partout sur le continent.
 
Il faut souligner que c’est sous cette contrainte extérieure, en particulier celle des partenaires au développement, combinée à la pression populaire que les dirigeants africains ont été obligés de dupliquer le modèle démocratique occidental. On peut donc affirmer que le projet démocratique en Afrique souffrait d’une tare congénitale qui pourrait expliquer la régression de la démocratie en Afrique.
 
Si des efforts d’ouverture démocratique ont été consentis par les régimes en place (instauration du multipartisme, organisation d’élections, pluralisme médiatique et syndical), il faut reconnaître que des réticences et des résistances étaient, insidieusement, parfois manifestement, exprimées par les tenants de ces régimes.
 
Ici et là, le recul de la démocratie a pris des formes diverses que l’on peut tenter de schématiser en parlant de déviances et des perversions des normes et référents démocratiques.
 
I - Des déviances de la gouvernance démocratique dans les années 2000 :
 
L’analyse de la situation de la démocratie en Afrique donne un résultat mitigé. Entre espoirs et craintes légitimes, la tendance est plutôt au pessimisme. En effet, la démocratie en Afrique semble écartelée entre les tyrannies pseudo démocratiques qui se maintiennent au pouvoir par la perversion des valeurs démocratiques et le retour à l’autoritarisme.
 
Au moment où se déroulent nos travaux, le continent africain est traversé par une mal gouvernance politique qui suscite à bien des égards de sérieuses inquiétudes parce que porteuse d’instabilité, de violence et de guerre civile.
 
Première illustration : une remise en cause fréquente des normes démocratiques caractérisée par une manipulation sans précédent des normes d’accession, de dévolution et de gestion du pouvoir.
 
Deuxième illustration : des pratiques anachroniques de dévolution héréditaire du pouvoir dont l’illustration la plus éclairante se retrouve dans les subterfuges utilisés par certains Chefs d’Etat africains pour installer leur enfant-héritier dans l’espace public et politique en vue de préparer ou d’organiser « électoralement » une dévolution successorale du pouvoir à leur descendance.
 
Troisième illustration : des processus électoraux en panne pour cause d’un double déficit de fiabilité et de crédibilité sont, bien souvent, sources de crise et d’instabilité. En dépit des avancées relatives notées dans certains pays comme le Cap-Vert, le Mali, le Ghana ou le Bénin, les irrégularités et les fraudes continuent d’émailler les processus électoraux, de sorte que les élections ne sont généralement qu’une mascarade planifiée.
 
Et il y a lieu de relever de façon fort paradoxale que la question de la crédibilité des élections se pose encore en Afrique, en dépit de l’institution de structures chargées de la gestion des opérations électorales.
 
Quatrième illustration : la résurgence des coups de force militaires qui interrompent brutalement les processus démocratiques et freinent les progrès économiques et sociaux.
 
Cinquième illustration : des atteintes récurrentes aux droits humains dans une sorte de violence d’Etat retournée contre les citoyens.
 
Au total, alors que nombre d’observateurs pensaient que le processus de démocratisation entamé dans les années 1990 était « irréversible et irrésistible », la situation de la démocratie est toute autre aujourd’hui :
 
1. Les rares pays ayant connu des avancées démocratiques et qui les préservent.
 
2. Les pays ayant enregistré des acquis démocratiques et qui ont même connu une alternance politique pacifique, mais où les nouveaux gouvernants remettent en cause certaines avancées démocratiques fondamentales au risque de faire régresser le modèle.  
3. Les démocraties de façade où les élections et un relatif desserrement de l’autoritarisme n’ont été qu’un vernis destiné à la consommation de la communauté internationale.
 
4. Les pays où les processus démocratiques ont été interrompus par des coups d’État.
 
5. Et enfin, les pays où tout processus démocratique est impossible à l’heure actuelle à cause de conflits ou parce que l’État y est déliquescent et ne contrôle qu’une partie de son territoire.   
 
La question est maintenant de savoir jusqu’à quand nous allons continuer à ignorer les profondes aspirations populaires pour une gouvernance démocratique. Allons-nous continuer à assister passifs à ce mouvement de reflux quitte à pousser les peuples à adopter des formes de radicalisation préjudiciables à la paix et à la stabilité de nos Etats ?
 
La réponse à cette question est sans équivoque. Nous ne pouvons plus rester impuissants face à ce mouvement de remise en cause du projet démocratique sur notre continent.
 
II – De la nécessité de relancer le processus démocratique pour  favoriser la stabilité et la paix sur le continent
 
Convenons d’abord que la démocratie constitue un instrument capital, pour ainsi dire, fondateur de la stabilité en Afrique et un pilier pour la promotion de la paix dont il faut poursuivre et renforcer la construction. Cependant si l’évidence de la restauration de la centralité du projet démocratique dans la gouvernance publique s’impose de plus en plus, il subsiste un certain nombre de questions auxquelles il nous faut répondre. Par quels mécanismes faut-il restaurer la démocratie en Afrique ? Quel système démocratique pour l’Afrique ? Existe-t-il des normes et des référents standards indispensables pour la légitimité et la crédibilité de la démocratie en Afrique ?
 
 Sous cette réserve, il me semble que le pilier, à partir duquel la relance du projet démocratique devrait être impulsée, c’est la construction d’une culture démocratique authentique, condition déterminante de la pérennité, de la légitimité et de l’efficacité d’un système démocratique quel qu’il soit. En effet, c’est en adoptant des valeurs partagées, acceptées et respectées par les acteurs politiques, les citoyens, le pouvoir judiciaire et la presse que nous arriverons à refonder le système démocratique.
 
Nous devons convenir que l’Etat démocratique si élaboré, si perfectionné qu’il soit, ne serait qu’un cadre qui se dégraderait rapidement s’il n’était pas meublé de valeurs démocratiques. Il faut donc édifier dans ce cadre une conscience démocratique afin que les valeurs conquises et les acquis démocratiques soient définitivement protégés des manipulations conjoncturelles et partisanes.
 
Mais la construction de cette conscience démocratique suppose entre autres l’émergence d’une citoyenneté à la promotion de laquelle il importe de consentir des efforts. J’évoque la promotion de la citoyenneté parce qu’il me semble que c’est la condition nécessaire de la responsabilisation et de la capacitation des citoyens.
 
Au plan du fonctionnement de l’Etat, il importe également donc de parachever l’institutionnalisation du pouvoir politique en Afrique :
 
- d’une part par la séparation de l’Etat et des Institutions et forces religieuses, puisque dans un Etat démocratique, les décisions politiques doivent être prises au seul niveau de l’Etat, sans interférence des institutions et forces religieuses ;
 
- et d’autre part par la séparation de l’Etat et des partis politiques. L’Etat démocratique bien que n’étant pas neutre au sens absolu, doit se placer en orbite entre les différents groupements politiques. L’expérience politique de l’Afrique, montre que la confusion de l’Etat et du parti majoritaire se fait toujours au détriment des libertés individuelles. Dans une telle hypothèse, les moyens de la puissance publique sont généralement détournés au profit du seul parti au pouvoir. C’est une source de perversion considérable.
 
 Par ailleurs, un certain nombre d’exigences fondamentales me paraissent importants pour donner un sens à la notion de bonne gouvernance démocratique. Je voudrais en citer quelques-unes parmi lesquelles :
 
· Le libre exercice des droits et libertés individuels et collectifs ;
 
· L’indépendance du pouvoir judiciaire et des magistrats qui ne doivent être soumis à aucune pression du pouvoir exécutif et qui ne doivent pas craindre pour leur carrière voire pour leur vie en raison des jugements qu’ils rendent ;
 
· L’organisation d’élections libres, transparentes, régulières, à date échue ;
 
· L’alternance au pouvoir qui signifie que les pouvoirs gouvernementaux régulièrement battus doivent accepter de quitter le pouvoir et laisser gouverner la nouvelle majorité ;
 
· La définition de règles transparentes de financement des campagnes électorales pour trouver une solution définitive à l’utilisation par les candidats des régimes en place des moyens de l’Etat ;
 
· La garantie du pluralisme médiatique et ses corolaires l’égal accès aux médias publics et l’égal traitement de l’information pour éviter une instrumentalisation des médias d’Etat à des fins de propagande par le parti au pouvoir.

Il me semble, dès lors, particulièrement indiqué de verrouiller le dispositif institutionnel par des mécanismes et procédures de consultation systématique du peuple par voie référendaire.
Il faut également promouvoir le dialogue, comme instrument d’anticipation et de règlement des conflits politiques et de pacification de l’espace public. Dans cet ordre d’idées, il est essentiel que le consensus entre acteurs politiques soit le principe pour toute modification substantielle d’une règle électorale.
 
Enfin, et pour conclure sur une question qui me paraît crucial dans le débat : le système démocratique aura-t-il pour unique finalité l’alternance ?



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